En 2019, je fait partie des finalistes d’un prix littéraire richement doté financièrement et surtout bien pensé : le lauréat (et son éditeur...) bénéficie d’une commande de plusieurs milliers d’exemplaires de son roman de la part de la Région Sud. L’objectif ? Diffuser gratuitement les exemplaires du roman lauréat dans les médiathèques des lycées et des collèges de feu la Région PACA (Provence Alpes et Côte-d’Azur).

Avant la nomination du roman à qui il sera remis le Prix Littéraire Région Sud, les 8 auteurs sélectionnés sont invités à faire la tournée des lycée avant de conclure ces interventions par une présentation devant 600 lycéens déchaînés. Mon texte semble plaire, il s’agit du roman Aveu de Faiblesses, qui évoque le destin d’un adolescent qui s’accuse d’un meurtre qu’il affirme ensuite ne pas avoir commis. Le roman est court, écrit du point de vue du jeune-homme, et donc dans une langue accessible. Un autre roman met en scène un jeune garçon qui parle en son nom, c’est celui d’un certain Jean-Baptiste Andrea (Ma reine).
Lors de la remise des prix, tous les auteurs finalistes sont présents, alors que le nom du gagnant est connu de nous. La perspective d’un séjour à Marseille, d’une soirée autour d’une grillade poissons, d’une cérémonie organisée au Pharo (un palais commandé par Napoléon III dans les années 1850 et qui abrite un centre de conférence) et d’un accueil en grande pompe par des responsables politique locaux a peut-être incité les perdants à honorer le lauréat et passer un moment agréable.
L’organisation a demandé aux finalistes de proposer une performance scénique. Certains vont jouer de la musique, d’autres réciter une poésie. J’ai personnellement proposé de jouer un petit sketch avec Claire Castillon, une des finalistes. Nous enfilerons des blouses blanches et incarneront des scientifiques bien décidés à aider le lauréat du prix à ne pas subir une augmentation anormalement élevée de son diamètre crânial (plus connue sous le nom de phénomène de la « grosse tête »).
Je serai ensuite appelé sur scène pour recevoir le prix du roman lauréat. On me remettra un chèque pas du tout symbolique, je ferai un petit discours et je donnerai ensuite le nom du vainqueur du concours de nouvelles. En effet, en marge du prix, un appel à textes est organisé et c’est au lauréat de choisir le gagnant de ce concours parmi 5 finalistes. La chose amusante, c’est que ce jeune-homme me demandera s’il lui serait possible de m’envoyer un texte de son cru, afin que je lui donne un avis de romancier en activité... J’accepterai par sympathie et un matin je recevrai un email qui me demandera de cliquer sur un lien, ce que je ferai, avant de devoir solliciter de la part de son expéditeur l’envoi d’un mot de passe. Patiemment, je m'exécuterai, avant de devoir signer un engagement de ma part de ne pas plagier le texte que je m'étais engagé de lire ni de l’utiliser à mon profit sans l’accord de son auteur... J’ai préféré arrêter là mes démarches administratives, n’étant pas certain de l'efficacité de mon honnêteté intellectuelle. Vous pensez bien que si j’avais lu le début du commencement d’un chef-d’œuvre, je n’aurais pas hésité à le signer de mon nom sans prévenir ce jeune étudiant. J’ai donc préféré ne pas tenter le diable, quitte à me faire un ennemi.
Mais le plus amusant dans tout ça, c’est que ce prix littéraire fut pour moi l’occasion de rencontrer, de passer un dîner au restaurant et une soirée à Marseille avec deux finalistes devenus célèbres, à savoir Brigitte Giraud (Prix Goncourt 2022) et Jean-Baptiste Andrea (Prix Goncourt 2023). En tant que lauréat d’un prix auquel ils ont participé en tant que finalistes, je me dis donc que, si le Prix Goncourt est le paradis des écrivains, alors il n'y a plus qu'à espérer que les premiers sur terre seront les derniers au paradis et les derniers sur terre, les premiers au paradis... Ou inverse.
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